Même
si l’on reste oublieux de son œuvre, il demeurera, à jamais un katangais
exceptionnel. Que l’oubli ait beau se flatter d’estomper sa mémoire, qu’est-ce
que ça peut bien faire ? Il aura
été une grande voix !
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Masengo Katiti. Source: discog.com |
Edouard
Masengo Katiti fut chanteur. Il naît à Kafubu
en 1932. Katiti fait ses classes primaires au collège Saint Boniface à
Lubumbashi, à la suite desquelles il entame ses études secondaire qui tournent
court au terme de deux années scolaires. Il est d’entre ceux dont la nature a fait des disciples d’Appolon, ceux qui ont
le pouvoir de générer et d’émettre ces mélodies ainsi que toutes les harmonies,
les douceurs, les réparations…qui marchent avec elles. Il est en voix depuis
tout jeune. Sa belle voix le fait repérer,
admirer et intégrer la chorale de la
paroisse de son école.
En 1946, de retour des vacances, il
ramène de Kabondo dianda une guitare. C’est son beau-frère, l’époux de sa
grande sœur ainée, qui la lui offre en cadeau. Cette guitare sera déterminante.
Très vite, il peut chanter et s’accompagner. Le jeune homme chante à ravir et
s’arrache une célébrité de recoin. A chacune de prestation publique, Masengo
est un carrefour des curiosités. Fort d’admiration et du pouvoir d’attrouper,
il se fait lorgner par les vendeuses de Kibuku, un alcool local.
Ces dernières l’invitent à chanter à
leur lieu de vente. Le dévouement pour les services cultuels, de celui qui
était garçon de chœur, faisaient place à la passion de réussir une carrière dans
le cœur de ce jeune homme acharné à s’inventer une gloire. A mesure qu’il
définit sa route, il s’éloigne de la chorale. Cette obstination pour ses
nouvelles ambitions va l’arracher peu à peu à l’environnement religieux.
L’ère
Jecoke…
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Masengo Katiti. Source: afrisson.com |
En 1945, Edouard Masengo s’associe avec
des amis et fonde un orchestre qu’il baptise, l’année d’après, 1947, Jecoke.
L’acronyme est taillé sur la contraction de l’appellation « jeunes
comiques de la commune Kenya. C’est au sein de ce groupe, avec Romain Nkulu,
Joseph Mugombo, Antoine Kabeya et Bernard Mwale, qu’Edouard Masengo inventera
son mythe.
Jecoke va vite s’imposer. Une réussite
qui va, pas à pas, s’élever en importance et subséquemment à la quelle le
groupe se voit ouvrir de nouvelles perspectives. Il s’en va en tournée dans les
villes du Katanga faisant un détour en Angola, avant de faire le tour du Congo.
Comme à Lubumbashi, son bastion, Jecoke grappille la gloire. Son aura culmine.
Les publics qui l’accueillent fraternisent avec lui et le prend dans ses
grâces. Le 6 janvier 1956, Masengo Katiti et son groupe posent leurs valises à
Léopoldville. Léo est l’étape la plus importante de cette tournée entamée par
la ville de Likasi. C’est à tout considérer un repère aux grands traits,
symbole d’une carrière qui culmine et d’un rêve qui se réalise.
La
palme qui fera date
A peine qu’il arrive en terres léopoldvilloises,
le Jecoke est admis à se présenter à un concours de musique organisé par
l’administration du Congo-belge. Le Jecoke, avec Edouard Masengo à sa tête,
concours et livre une prestation impressionnante éblouissant l’assistance et le
jury. Et quand le concours rend son verdict, le Jecoke finit sur la première
marche du podium. C’était une première dans l’histoire de la musique du cuivre,
la première fois qu’un orchestre de Lubumbashi arrachait la palme à des
orchestre prestigieux du grand Léo musical, en l’occurrence ceux d’Antoine
Wendo Kolosoy, de Joseph Tshamala Kabasele ou celui de Franco Lwambo Makiadi.
Gagner devant d’aussi grosses pointures ! Ça s’écrit facilement mais c’est
énorme ! Fallait-il du potentiel, et Masengo et son Jecoke en avait. Un
potentiel dont l’aura poussera plusieurs à la méprise : en effet, on disait
de Masengo et de son Jecoke qu’ils étaient Sud américains. Les belges peinant à
réaliser qu’il y ait des congolais capables de chanter et de danser aussi bien
qu’ils ont vu les Jecoke le faire. L’Amérique du sud regorgeant des fils
d’esclaves noirs qui se sont rendus célèbres notamment par une façon singulière
de danser, l’hypothèse la plus vraisemblable est que ces jeunes gens qui
dansaient le Kanchilinchili ne pouvaient être que des sud américains. La
rumeur, telle une traînée de poudre, se répandait. L’anecdote, bien que devenue
feutrée, restera le signe que Masengo et son groupe étaient forts d’un prestige
rare dans l’art de chanter et danser.
L’exil
En juin 1960, Masengo quitte le pays
pour s’installer à Nairobi au Kenya. C’est là qu’il rencontre l’icône
continentale Miriam Makeba grâce à qui « Malaïka », l’œuvre de
Masengo, deviendra un hymne mondial. Certains l’ignorent, « Malaïka »,
le cultissime repris par d’innombrables
voix à travers le monde, entre autres T-Bone, Angélique Kidjo, Harry Belafonte,…est
bien l’œuvre d’un katangais, Edouard Masengo ! Dans le grand œuvre d’Edouard
Masengo, on peut aussi évoquer « Les trois qualités d’une femme », « Kabwebu
Kitambala », « Victorina », « Pension »,
« Umbalala si kilema », « Furah ya Katanga », « Watoto
wawili », « Abrakantshu » ou « Jadotville ».
Edouard Masengo a eu des contrats
publicitaires avec de prestigieuses firmes mondiales : Coca Cola, Aspro,
Air Canada, Ford, Shell,…
Revenu au pays en 1972, Edouard Masengo,
n’était plus que souvenir. La bataille pour le retour imposait plus qu’il ne pouvait ; une
bataille qui lui échappera jusqu’au bout. Le Nganda, espace privilégié de
production de son temps, n’était plus. Le public aussi avait changé, autant
dans ses goûts que dans ses possibilités. Le Katanga paternaliste adossé sur le
travail industriel s’essoufflait. Il meurt le 27 mars 2003 dans le plus grand
dénuement.