Delcat Idinco : un ami, un combat, une mémoire
Un ami s'en est allé, fauché dans l'élan de son engagement. Une belle voix dissidente d'un résistant s'est tue, un esprit libre nous a quittés, Delcat Idinco.
Lui, le fils de Béni, survivant des massacres qui ont décimé sa famille. Il pleurait ses blessures, criait sa douleur, chantait et portait la flamme de la résistance. Blessures du Congo, blessures d'un peuple rongé par l'instabilité, l'injustice et les abus de pouvoir.
Sa voix et son timbre était celle d'un patriote et d'une victime, d'un meurtri. Son répertoire était la chronique d'une expérience et d'une douleur personnelle. "Moi, le fils de Béni, qui ploie sous l'inquiétude et qui est habitué à la souffrance", chantait-il. Il pleurait à sa manière, avec ses mérites et ses écarts. Son activisme, parfois incompris dans sa logique particulière, fut écorché sur la potence des jugements de valeur et des préjugés. Après tout, qui peut-il lucidement mesurer le poids du fardeau de la douleur qu'il n'a jamais porté ?
Sa voix critique était un couperet contre toutes les injustices. À l'écho de son tranchant, tout y passait sans concession ni teinte politicienne : pouvoir, opposition, société civile. La tranche de sa critique n'épargnait que dans les frontières de sa logique personnelle. Sa logique, avec ses propres détours et sa géométrie singulière, témoignait de sa vision de la réalité. Une logique sienne, dans la résonance de laquelle son amour pour le Congo ne faisait aucun doute.
Une lutte authentique
Delcat s'en va comme symbole d'une jeunesse engagée dans une lutte authentique pour la justice, sans compromission. C'est un appel à la jeunesse, un signal fort qu'il est possible de tracer sa propre voie, d'affirmer avec fierté et indépendance ses convictions, sans se soumettre à aucun diktat ni compromis moral. Dans un Congo où l'opportunisme et la bassesse d'âme est parfois la norme, où l'engagement des jeunes est piégé sur l'autel de la corruption et le compromis, ce trait de la vie de Delcat est digne d'être salué. Il a honoré sa singularité et son engagement envers la justice, souvent au prix de sa liberté, et finalement au prix de sa vie
Artiste prolifique, Delcat lègue un répertoire musical riche et varié. Il était un talent brillant et un torrent d'inspiration. En à peine 10 jours après son évasion à l'invasion de Goma, il a diffusé cinq nouvelles chansons, dont Bunduki, son poignant chant du cygne paru la veille de sa mort.
Silence mais grande présence
Ses chansons sont un évangile, et l'outrage, son art, aimait -t-il à rappeler humblement. L'outrage comme une aspiration de liberté et graines de changement; et Évangile comme vœu de prospérité pour son œuvre. Depuis l'annonce de sa mort, alors que les voix de partout s'élèvent pour saluer sa mémoire et son combat, Ses chansons et son discours résonnent avec une intensité nouvelle. Son silence deviendra désormais une plus grande présence.
L'histoire retiendra qu'en ce jour du 13 février 2025, le Congo a perdu l'un des plus grands artistes engagés de son époque. Delcat se savait menacé en raison de son engagement et de son opinion. Il meurt en martyr de la justice et fidèle à son engagement. Le feu consumerait-t-il ce que l'eau devrait emporter ?
Paix à ton âme, ami et combattant de la liberté !