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dimanche 12 novembre 2017

Goma : Pamela Tulizo. Par-delà des images, un combat !

Dans son objectif, chaque photographie est une arme. Pamela Tulizo est photographe, vidéaste et promotrice et coordonnatrice de M. Mshuja Art (Mwanamke Mushuja Arts), une structure basée à Goma qui encadre les jeunes filles dans les domaines des arts plastiques, la peinture, la photographie et la couture. Regard sur la carrière d’une photographe engagée et hors pair.


Pamela Tulizo Ph : www.congoinharlem.org
Katanga Cultura blog : Comment êtes-vous arrivée dans la photographie ?
Pamela Tulizo : J’ai commencé la photographie après un parcours de journaliste dans un médias de Goma en tant que présentatrice. C’est après une année de parcours journalistique que je découvre ma passion en tant photographe à force de manier la caméra et des expériences de terrain de reportage. Je me suis découvert une passion pour la photographie. Après mes débuts, j’ai senti la nécessité de perfectionner ma
pratique de photographe. J’ai par la suite eu la chance de rencontrer Martin Lukongo Masudi, (un photographe et designer de Goma) qui m’a formée en  tant que photographe documentariste pendant plus d’une année. Après cette phase, j’ai pu voyager au Sénégal pour approfondir ma formation. Je fais la photographie documentariste, le fashion, le wedding, le paysage, le portrait,…un peu de tout. Mais ce qui me passion le plus dans ma pratique de photographe, c’est mon objectif de vouloir changer l’image de la femme pour changer son image. Je représente la femme dans son quotidien, face à ses défis. J’utilise la photographie comme arme pour mettre en valeur ma vision de la femme et finalement changer son image. Beaucoup d’artistes, notamment les musiciens, les caricaturistes ou les peintres, représentent la femme dans une posture de faiblesse, d’incapacité et d’impuissance. Mais moi je crois que, toute faible qu’elle puisse être, la femme est aussi capable de beaucoup de choses. Je me passionne de représenter ce côté de la femme qui a le pouvoir de changer son monde. J’ai exposé sur la thématique de « L’égalité au travail entre l’homme et la femme » deux fois à Goma et une fois à New York, aux Etats-Unis. Je veux me donner pour modèle ; je pratique un « métier des hommes », un métier où il y a très peu de femmes. Je rencontre beaucoup de femmes talentueuses et prometteuses mais qui restent retenues derrières des considérations discriminatoires. On leur répète sans cesse qu’elles ne peuvent rien faire, qu’elles sont bonne à rien et que leur place est la cuisine. Elles restent coincées psychologiquement. Je défends tout le contraire et je m’appuie sur la photographie pour le montrer. Je me sers de la photo pour promouvoir la cause de l’enfant et de la jeune fille. Je prône l’égalité des droits pour tous les enfants sans considération de race ni d’âge ; je m’applique pour que les parents en aient conscience.
Katanga Cultura blog : Arrivez-vous à vivre de votre passion ?
Pamela Tulizo : Ce n’est pas facile de vivre de la photographie. Je n’en vis pas encore et beaucoup de paramètres l’expliquent. Il d’abord le fait qu’il y a une culture de scepticisme sur la capacité de la femme photographe à produire un travail de qualité. On joui de très de peu de confiance. Vous rencontrez souvent de gens qui disent «  Ah ! C’est une femme ? ». J’arrive quand même à gagner quelque chose de la photographie mais pas comme je le voudrais. Je suis parfois entrainée à faire autre chose mais je n’ai pas envie de lâcher prise ! Je crois dans ma passion. Je me réjouis que cette passion me permette de passer des messages qui me tiennent à cœur. Je suis sûre qu’un jour le monde découvrira ce qui est en moi et il me récompensera comme je le mérite.
Katanga Cultura blog : Quelles sont vos plus grandes réalisations dans la photographie ?
Pamela Tulizo : J’ai fais plusieurs expositions à Goma et à l’étranger. Je me bats et j’avance malgré tous les défis. J’ai réalisé déjà un bon pourcentage de mon objectif majeur, celui de promouvoir l’image de la femme. Il y a quelques mois, j’étais l’unique femme  photographe de Goma. Je ne suis plus seule aujourd’hui. Il y Ley Wera ou Esther Sapu notamment. C’est déjà beaucoup pour moi. Cela montre qu’on prend conscience. Il y a un autre regard sur la femme et la jeune fille. On peut à travers nous, réaliser que la femme peut faire beaucoup encore.



Katanga Cultura blog : Est-il important de se former pour faire la photographie ?
Ph : masterclasse.africalia.be
Pamela Tulizo : Oui. Il est très important de se former pour être professionnel. Je reconnais qu’il n’existe pas d’académie de formation appropriée pour la photographie à Goma. Moi, j’ai eu une chance avec Martin Lokongo. Tout le monde n’aura pas cette chance. Cela m’arrive de faire des photos comme je sens, sans tenir compte des règles pour représenter ce que je veux. Il faut beaucoup de choses pour travailler dans les normes. Parfois on n’a pas le matériel approprié. On réalise des photos avec son téléphone mais on ne peut pas aller très loin.
Katanga Cultura blog : Quels son vos plus grands rêves dans la photographie ?
Mon plus grand rêve est d’atteindre mon objectif, celui d’améliorer l’image dans la femme à Goma, en RDC et dans le monde. Je voudrais voir la femme sous un meilleur jour : une femme forte, capable, qui garde sa culture. Il est vrai qu’il y a la misère dans notre environnement mais il y a aussi de belles histoires de femmes à montrer. On a assez de voir l’image de la femme vulnérable. Mon autre rêve est d’arriver à être reconnue en tant photographe professionnelle chez moi, avec tous les mérites que cela supposent. Je rêve de construire un grand studio où je pourrais former d’autres filles dans la photographie.
Katanga Cultura blog : Feriez-vous la photographie pour promouvoir l’image la femme si vous n’étiez pas de Goma ?
Pamela Tulizo : Je suis à Goma depuis plus de vingt ans. J’ai eu la chance de côtoyer d’autres artistes, des peintres des musiciens, des photographes,…et la plupart utilisent la femme comme image pour vendre. Cela m’a choquée. La femme est quelqu’un de spécial. Il est vrai que Goma m’a beaucoup  inspirée parce qu’il y la guerre, la misère mais au-delà de tout cela, il y a la vie. Pourquoi pas l’homme, me demanderiez-vous ? Parce que la femme est au centre de toute chose. Plus de quatre-vingts pourcents des représentations de la femme la montre dans une posture de vulnérabilité. N’y a-t-il que des femmes vulnérables à Goma ? Non ! Il y a des femmes mieux capables que des hommes mais très peu en parlent vraiment ! En tant que femme, je suis mieux placée pour défendre cette cause.

Propos recueillis par Fils Ngeleka

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