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samedi 27 juin 2015

Festival Cinétoiles 5ème édition : Créer et fêter la création locale. Entretien avec Professeur Jacky Mpungu Mulenda


La cinquième édition du festival Cinétoiles, cinéma des étoiles, s’est tenue du 18 au 20 juin au Bâtiment du 30 juin à Lubumbashi, deuxième ville de la RDC. Cette cinquième édition consignera la participation des films de Lubumbashi, Kolwezi et de Kasumbalesa. Les palmes sont revenues aux films Jusqu’au bout de mon rêve de Fils Ngeleka, dans la section fiction, et Tshamilemba de Cyrille Saïdi, dans la section documentaire. Dans les lignes suivantes, nous nous entretenons sur cette vitrine du court métrage local avec le Professeur Jacky Mpungu Mulenda, son initiateur et coordonnateur. 

Affiche de la cinquième édition
Katanga Cultura : De l’envie de fêter et de promouvoir quoi le festival est-il né ?
Jacky Mpungu M. : L’envie de fêter l’amour du cinéma qui est dans l’esprit des jeunes gens qui, au départ, faisaient leur deuxième graduat et quand ils ont eu leur cours d’initiation au cinéma, ils ont eu envie de fêter le cinéma. C’était quelque chose de tout à fait naturel parce que je leur avais dit que le cinéma était un art, une industrie, une affaire, une technique mais au dessus de tout cela, une très grande fête. Ils ont pris la définition par les mots et s’en sont tenu. On a voulu créer et fêter la création !
Katanga Cultura : C’est né de cela mais aussi de votre envie, quelque part ?
Jacky Mpungu M. : Mais oui. Vous savez le cinéma est un art très puissant mais très négligé ici en république démocratique du Congo. Quand nous regardons l’Afrique de l’ouest, nous nous rendons compte à quel point elle est très émancipée par le cinéma. Vous n’avez qu’à voir le Burkina Faso qui, aujourd’hui, est décomplexé parce qu’il le port d’une culture africaine dans le monde par le cinéma. Je voulais que nous ne soyons pas, nous autres, en reste parce qu’il y’a des talents ici qui sont très forts, très originaux, des talents que nous pouvons laisser en jachère. Alors il fallait absolument que la porte des artistes soit ouverte et que le cinéma ait lieu.

Katanga Cultura : Il y a des efforts qui sont font ici et là dans la promotion du cinéma local mais la promotion d’une ampleur aussi importante que celle que peut donner un festival, est quand même une première. Cela vous gênerait qu’on vous appelle précurseur ?
Jacky Mpungu M. : Ecoutez les mots sont ce qu’ils sont. Ce que je sais ce que j’ai trouvé une forme de cinéma ici et je me suis inscrit dans ce que j’ai cru être la meilleur. Et je me suis dis que jusqu’à présent j’ai trouvé un cinéma congolais qui était fêté uniquement dans les festivals Euro-américains. Ces films-là étaient considérés par moi comme des films apatrides parce qu’ils étaient fêtés par des étrangers et juste après le festival c’était fini. Ils n’ont jamais rencontré les publics africains et congolais. Et donc, ça me gênait ! Il faut dans l’histoire d’un film, qu’il ait rencontré le public auquel il veut s’adresser. Il faut que le public l’ait aimé ou détesté. Tout cela fait alors partie de l’histoire du cinéma congolais. Jusqu’à présent notre cinéma congolais était composé des films qui allaient se faire voir à l’étranger dans des festivals étrangers et nous on était des laissés-pour-compte. Non, non ! Inversons la donnée et mettons des films qui doivent rencontrer les publics auxquels ils s’adressent pour être aimés, détestés, critiqués ou adulés. Voilà ce que je voulais et je sens les choses aller. Je m’en réjouis. C’est aussi ma fête !
Prof. Jacky Mpungu
Katanga Cultura : La tenue d’une édition est, dans la vie d’un festival, une opportunité de continuer la vision qu’on a prise depuis le début mais aussi une occasion d’innover. Cette nouvelle édition, parlons-en justement, en quoi est-elle différente de la précédente ?
Jacky Mpungu M. : Elle devient de plus en plus différente par le fait qu’on accepte de plus en plus un public plus large. Au début nous étions avec uniquement les étudiants de l’Université de Lubumbashi. Puis le festival s’est ouvert petit à petit à d’autres étudiants des autres universités et instituts supérieurs. Aujourd’hui on l’ouvre davantage à tout le monde, y compris à ceux qui font du cinéma sans être passés par des écoles. Parce que le talent peut se cacher en eux et se révéler avec un film, pourquoi pas ? Nous allons de plus en plus vers une espèce de collège des cinéastes. Ce collège va prendre des éléments qui ont étudié le cinéma mais aussi ceux qui l’ont fait tous les jours comme étant leur métier, leur gagne-pain, leur profession. Tous ceux-là seront les bienvenus et je pense que nous ne pourrons qu’y gagner.
Katanga Cultura : Le festival met en compétition des films de Lubumbashi, Kasumbalesa, Kolwezi…mais il y a d’autres recoins du Katanga qui font du cinéma aussi. Pourquoi ne sont-ils pas représentés ? Est-ce parce que le festival n’a pas communiqué autant qu’il fallait pour les atteindre ou que rien de cinématographiquement notable ne se fait à leur niveau ?
Jacky Mpungu M. : Non, non nous allons à petits pas. On ne peut pas faire les choses avec des grandes improvisations ou avoir des yeux plus grands que le ventre. Je pense que nous devons d’abord réussir ce que nous faisons ici. Dans la mesure où les choses s’améliorent et réussissent bien, nous allons chaque fois grandir d’un peu plus. Mais nous ne pouvons pas prendre grand tout de suite ! Il y a une organisation matérielle et financière derrière tout cela. Réussissons d’abord ce qui est à notre portée et puis voyons plus grand mais de manière progressive. C’est comme cela que je vois les choses, je pense que c’est comme cela aussi que mon entourage voit les choses.
Katanga Cultura : Le festival  prime les films en deux catégories : fiction et documentaire. Envisagez-vous d’étendre les récompenses à d’autres catégories. On connait des festivals qui récompensent aussi l’écriture…où le panier de récompense est étendu. Pourquoi ce n’est pas encore chose faite au Cinétoiles ou c’est aussi un ouvrage de patience ?
Jacky Mpungu M. : Là aussi nous y allons progressivement. Nous commençons d’abord par montrer le gros de la fête à tous ceux qui vont participer. Je peux vous dire que chaque année qui passe me réjouis parce que les cinéastes sont de plus en plus forts. Alors lentement viendront des récompenses comme meilleur scénario, meilleur premier rôle, meilleur deuxième rôle…tout cela va venir mais il faut dans la population de ceux qui pratiquent le cinéma, que toutes ces notions soient d’abord bien distinctes et bien claires. Rome ne s’est pas construit en un jour ! La citadelle du cinéma, c’est la même chose.
Katanga Cultura : Le festival met en compétition les films des universités et instituts supérieurs (Unilu, UPL) au même titre que ceux des indépendants qui ont la chance d’engager des acteurs professionnels. Ne sentez-vous pas qu’on ne part sur la même longueur quand même ?
Jacky Mpungu M. : C’est possible. Cela peut constituer une faiblesse mais est-ce que nous pouvons partir en étant parfait du premier coup ? Non. Si nous avons pris cette décision-là, c’est pour que l’émulation soit effective dès le départ. Ne vous en faites pas! Ce ne sont ceux qui se disent des professionnels qui, l’expérience le montre, gagnent nécessairement la palme d’or. Le génie, il est caché là où celui qui le sens l’exploitent réellement. Il y a des personnes qui, pour la première fois, font un film et montrent un génie plus grand que ceux qui ont pratiqué le film pendant plusieurs années. Je fais confiance à l’imprévisible. Je fais confiance à ce génie qui nous surprend tout les jours. C’est quelque chose de magnifique !
Logotype de Cinétoiles Asbl
Katanga Cultura : Le Cinétoiles est une initiative privée. Sentez-vous l’Etat vous appuyer d’une manière ou d’une autre ?
Jacky Mpungu M. : La première année non mais par la suite nous avons intéressé, c’est nous qui sommes allés vers madame la ministre de la culture qui nous a reçu avec beaucoup d’enthousiasme et qui y croit. Et donc, par elle, le gouvernement provincial s’est impliqué. Le gouvernement provincial nous assiste de manière à laquelle on ne s’y attendait pas et nous sommes très heureux de travailler mains dans la main avec ce gouvernement par le biais de madame la ministre que je salue en passant et que j’admire beaucoup. Elle s’est investie et nous aide matériellement et financièrement.
Katanga Cultura : Le plus grand vœu est que le festival crée l’émulation et qu’il participe davantage à la promotion du cinéma. Vous venez de dire tout à l’heure que vous sentez les choses avancer. Que faut-il faire au niveau du contexte pour que ce progrès que vous souhaitez de tous vos vœux vienne le plus rapidement possible ?
Jacky Mpungu M. : Je souhaite que la promesse qui nous a été faite par madame la ministre soit effective. Parce qu’elle nous a promis un terrain de quelques hectares, vingt cinq hectares je pense, sur la route de Kasenga pour que nous puissions y créer notre village cinématographique, y créer nos studios. Si les choses peuvent se faire rapidement nous ce ne sera que très bien parce qu’à ce moment-là nous allons et avec elle, impliquer des organisations commerciales, financières qui vont, toutes, trouver leur pain blanc à l’intérieur de cette grande initiative. Nous attendons, nos sommes confiants, c’est une promesse qu’elle nous a faite. Généralement cette dame, ce ministre, lorsqu’elle dit quelque chose, lorsqu’elle promet ce n’est pas du pain gris ! C’est quelque chose de très solide.
Katanga Cultura : Quel est votre grand vœu  pour le cinéma local ?
Jacky Mpungu M. :C’est de voir de plus en plus cette jeunesse qui crée, qui invente s’exprimer davantage parce qu’on dirait qu’elle n’attendait que cela. Elle est un peu hésitante parce qu’elle ne sait quel est avenir. Mais on sent que les talents se dénoncent et mon vœu est que, a lieu d’arrêter à se dénoncer, qu’ils explosent !
Katanga Cultura : J’ai pu lire chez beaucoup des cinéastes locaux, mais aussi chez ceux s’intéressent au cinéma, comme un ressenti de redévabilité pour ce que vous avez fait. Cela vous fait quoi de l’entendre ?
Jacky Mpungu M. : Redevabilité pourquoi ? Ce n’est pas moi qui suis le dépositaire de tous ces talents, moi je ne fait que les susciter. Au contraire c’est moi qui suis heureux et je me sens redevable auprès de tous ces talents qui explosent et qui font de moi, sans je ne le sois vraiment, « monsieur cinéma du Katanga». Ces talents-là qui sont merveilleux, qui sont intéressant, c’est moi qui leur doit ! 


Propos recueillis par Fils Ngeleka

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