La
cinquième édition du festival Cinétoiles, cinéma des étoiles, s’est tenue du 18
au 20 juin au Bâtiment du 30 juin à Lubumbashi, deuxième ville
de la RDC. Cette cinquième édition consignera la participation des films de
Lubumbashi, Kolwezi et de Kasumbalesa. Les palmes sont revenues aux films Jusqu’au bout de mon rêve
de Fils
Ngeleka, dans la section fiction, et Tshamilemba de Cyrille Saïdi, dans la
section documentaire. Dans les lignes suivantes, nous nous entretenons sur cette
vitrine du court métrage local avec le Professeur Jacky Mpungu Mulenda, son
initiateur et coordonnateur.
Affiche de la cinquième édition |
Katanga Cultura : De l’envie de fêter et de
promouvoir quoi le festival est-il né ?
Jacky Mpungu M. : L’envie
de fêter l’amour du cinéma qui est dans l’esprit des jeunes gens qui, au départ,
faisaient leur deuxième graduat et quand ils ont eu leur cours d’initiation au
cinéma, ils ont eu envie de fêter le cinéma. C’était quelque chose de tout à
fait naturel parce que je leur avais dit que le cinéma était un art, une
industrie, une affaire, une technique mais au dessus de tout cela, une très
grande fête. Ils ont pris la définition par les mots et s’en sont tenu. On a
voulu créer et fêter la création !
Katanga Cultura : C’est né de cela mais aussi de
votre envie, quelque part ?
Jacky Mpungu M. : Mais
oui. Vous savez le cinéma est un art très puissant mais très négligé ici en
république démocratique du Congo. Quand nous regardons l’Afrique de l’ouest,
nous nous rendons compte à quel point elle est très émancipée par le cinéma.
Vous n’avez qu’à voir le Burkina Faso qui, aujourd’hui, est décomplexé parce
qu’il le port d’une culture africaine dans le monde par le cinéma. Je voulais
que nous ne soyons pas, nous autres, en reste parce qu’il y’a des talents ici qui
sont très forts, très originaux, des talents que nous pouvons laisser en jachère.
Alors il fallait absolument que la porte des artistes soit ouverte et que le
cinéma ait lieu.
Katanga Cultura : Il y a des efforts qui sont font
ici et là dans la promotion du cinéma local mais la promotion d’une ampleur aussi
importante que celle que peut donner un festival, est quand même une première.
Cela vous gênerait qu’on vous appelle précurseur ?
Jacky Mpungu M. : Ecoutez
les mots sont ce qu’ils sont. Ce que je sais ce que j’ai trouvé une forme de
cinéma ici et je me suis inscrit dans ce que j’ai cru être la meilleur. Et je
me suis dis que jusqu’à présent j’ai trouvé un cinéma congolais qui était fêté
uniquement dans les festivals Euro-américains. Ces films-là étaient considérés
par moi comme des films apatrides parce qu’ils étaient fêtés par des étrangers
et juste après le festival c’était fini. Ils n’ont jamais rencontré les publics
africains et congolais. Et donc, ça me gênait ! Il faut dans l’histoire d’un
film, qu’il ait rencontré le public auquel il veut s’adresser. Il faut que le
public l’ait aimé ou détesté. Tout cela fait alors partie de l’histoire du
cinéma congolais. Jusqu’à présent notre cinéma congolais était composé des films
qui allaient se faire voir à l’étranger dans des festivals étrangers et nous on
était des laissés-pour-compte. Non, non ! Inversons la donnée et mettons
des films qui doivent rencontrer les publics auxquels ils s’adressent pour être
aimés, détestés, critiqués ou adulés. Voilà ce que je voulais et je sens les
choses aller. Je m’en réjouis. C’est aussi ma fête !
Prof. Jacky Mpungu |
Katanga Cultura : La tenue d’une édition est, dans la
vie d’un festival, une opportunité de continuer la vision qu’on a prise depuis
le début mais aussi une occasion d’innover. Cette nouvelle édition, parlons-en
justement, en quoi est-elle différente de la précédente ?
Jacky Mpungu M. : Elle
devient de plus en plus différente par le fait qu’on accepte de plus en plus un
public plus large. Au début nous étions avec uniquement les étudiants de
l’Université de Lubumbashi. Puis le festival s’est ouvert petit à petit à
d’autres étudiants des autres universités et instituts supérieurs. Aujourd’hui
on l’ouvre davantage à tout le monde, y compris à ceux qui font du cinéma sans
être passés par des écoles. Parce que le talent peut se cacher en eux et se
révéler avec un film, pourquoi pas ? Nous allons de plus en plus vers une
espèce de collège des cinéastes. Ce collège va prendre des éléments qui ont
étudié le cinéma mais aussi ceux qui l’ont fait tous les jours comme étant leur
métier, leur gagne-pain, leur profession. Tous ceux-là seront les bienvenus et
je pense que nous ne pourrons qu’y gagner.
Katanga Cultura : Le festival met en compétition des
films de Lubumbashi, Kasumbalesa, Kolwezi…mais il y a d’autres recoins du
Katanga qui font du cinéma aussi. Pourquoi ne sont-ils pas représentés ?
Est-ce parce que le festival n’a pas communiqué autant qu’il fallait pour les atteindre
ou que rien de cinématographiquement notable ne se fait à leur niveau ?
Jacky Mpungu M. : Non,
non nous allons à petits pas. On ne peut pas faire les choses avec des grandes
improvisations ou avoir des yeux plus grands que le ventre. Je pense que nous
devons d’abord réussir ce que nous faisons ici. Dans la mesure où les choses
s’améliorent et réussissent bien, nous allons chaque fois grandir d’un peu plus.
Mais nous ne pouvons pas prendre grand tout de suite ! Il y a une
organisation matérielle et financière derrière tout cela. Réussissons d’abord
ce qui est à notre portée et puis voyons plus grand mais de manière progressive.
C’est comme cela que je vois les choses, je pense que c’est comme cela aussi que
mon entourage voit les choses.
Katanga Cultura : Le festival prime les films en deux catégories :
fiction et documentaire. Envisagez-vous d’étendre les récompenses à d’autres
catégories. On connait des festivals qui récompensent aussi l’écriture…où le
panier de récompense est étendu. Pourquoi ce n’est pas encore chose faite au
Cinétoiles ou c’est aussi un ouvrage de patience ?
Jacky Mpungu M. : Là
aussi nous y allons progressivement. Nous commençons d’abord par montrer le
gros de la fête à tous ceux qui vont participer. Je peux vous dire que chaque
année qui passe me réjouis parce que les cinéastes sont de plus en plus forts.
Alors lentement viendront des récompenses comme meilleur scénario, meilleur
premier rôle, meilleur deuxième rôle…tout cela va venir mais il faut dans la
population de ceux qui pratiquent le cinéma, que toutes ces notions soient
d’abord bien distinctes et bien claires. Rome ne s’est pas construit en un jour !
La citadelle du cinéma, c’est la même chose.
Katanga Cultura : Le festival met en compétition les
films des universités et instituts supérieurs (Unilu, UPL) au même titre que
ceux des indépendants qui ont la chance d’engager des acteurs professionnels.
Ne sentez-vous pas qu’on ne part sur la même longueur quand même ?
Jacky Mpungu M. : C’est
possible. Cela peut constituer une faiblesse mais est-ce que nous pouvons
partir en étant parfait du premier coup ? Non. Si nous avons pris cette décision-là,
c’est pour que l’émulation soit effective dès le départ. Ne vous en faites pas!
Ce ne sont ceux qui se disent des professionnels qui, l’expérience le montre, gagnent
nécessairement la palme d’or. Le génie, il est caché là où celui qui le sens
l’exploitent réellement. Il y a des personnes qui, pour la première fois, font
un film et montrent un génie plus grand que ceux qui ont pratiqué le film
pendant plusieurs années. Je fais confiance à l’imprévisible. Je fais confiance
à ce génie qui nous surprend tout les jours. C’est quelque chose de magnifique !
Logotype de Cinétoiles Asbl |
Katanga Cultura : Le Cinétoiles est une initiative
privée. Sentez-vous l’Etat vous appuyer d’une manière ou d’une autre ?
Jacky Mpungu M. :
La première année non mais par la suite nous avons intéressé, c’est nous qui
sommes allés vers madame la ministre de la culture qui nous a reçu avec
beaucoup d’enthousiasme et qui y croit. Et donc, par elle, le gouvernement
provincial s’est impliqué. Le gouvernement provincial nous assiste de manière à
laquelle on ne s’y attendait pas et nous sommes très heureux de travailler
mains dans la main avec ce gouvernement par le biais de madame la ministre que
je salue en passant et que j’admire beaucoup. Elle s’est investie et nous aide matériellement
et financièrement.
Katanga Cultura : Le plus grand vœu est que le
festival crée l’émulation et qu’il participe davantage à la promotion du cinéma.
Vous venez de dire tout à l’heure que vous sentez les choses avancer. Que
faut-il faire au niveau du contexte pour que ce progrès que vous souhaitez de
tous vos vœux vienne le plus rapidement possible ?
Jacky Mpungu M. : Je
souhaite que la promesse qui nous a été faite par madame la ministre soit
effective. Parce qu’elle nous a promis un terrain de quelques hectares, vingt
cinq hectares je pense, sur la route de Kasenga pour que nous puissions y créer
notre village cinématographique, y créer nos studios. Si les choses peuvent se
faire rapidement nous ce ne sera que très bien parce qu’à ce moment-là nous allons
et avec elle, impliquer des organisations commerciales, financières qui vont,
toutes, trouver leur pain blanc à l’intérieur de cette grande initiative. Nous attendons,
nos sommes confiants, c’est une promesse qu’elle nous a faite. Généralement
cette dame, ce ministre, lorsqu’elle dit quelque chose, lorsqu’elle promet ce
n’est pas du pain gris ! C’est quelque chose de très solide.
Katanga Cultura : Quel est votre grand vœu pour le cinéma local ?
Jacky Mpungu M. :C’est
de voir de plus en plus cette jeunesse qui crée, qui invente s’exprimer
davantage parce qu’on dirait qu’elle n’attendait que cela. Elle est un peu hésitante
parce qu’elle ne sait quel est avenir. Mais on sent que les talents se dénoncent
et mon vœu est que, a lieu d’arrêter à se dénoncer, qu’ils explosent !
Katanga Cultura : J’ai pu lire chez beaucoup des
cinéastes locaux, mais aussi chez ceux s’intéressent au cinéma, comme un
ressenti de redévabilité pour ce que vous avez fait. Cela vous fait quoi de l’entendre ?
Jacky Mpungu M. :
Redevabilité pourquoi ? Ce n’est pas moi qui suis le dépositaire de tous
ces talents, moi je ne fait que les susciter. Au contraire c’est moi qui suis
heureux et je me sens redevable auprès de tous ces talents qui explosent et qui
font de moi, sans je ne le sois vraiment, « monsieur cinéma du
Katanga». Ces talents-là qui sont merveilleux, qui sont intéressant, c’est moi
qui leur doit !
Propos
recueillis par Fils Ngeleka
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