L’artiste est de
plus en vue en ce moment à Lubumbashi. Et comment le caser du point de vue artistique ?
Comment le présenter ? Têtu de
prestige et de complexité, son portrait résiste à la brièveté et frappe
d’embarras. Si, la mémoire claire ou
marginale, vous ne vous reconnaissez
pas avoir joui de son art ou mordu à son savoir-faire… Patience ! Il se
peut que le destin vous ait listé parmi ses prochains admirateurs. Art
Moustache, l’artiste se dévoile à cœur.
Art Moustache. Artiste |
Katanga
Cultura : Comment vous
présenter à l’intention de ceux qui vous liront pour la première fois
Art
Moustache : Moustache est un
artiste tout court. Je fais la photographie, l’art plastique qui englobe la
peinture, la sculpture, je suis aussi réalisateur, dans ce domaine je fais des clips vidéo
artistiques et je planche sur un projet de réalisation d’un film de court
métrage cinématographique. Voilà un peu présenté Moustache pour ceux qui ne me
connaissent pas.
Katanga
Cultura : Comment votre
histoire avec l’art a-t-elle commencé ?
Art
Moustache : Je suis né
artiste, je peux le dire. Tout petit je dessinais, je sculptais. J’étais
capable de sculpter un noyau d’avocat pour donner corps à un masque. Je me
servais des instruments comme ça. Ceux qui me voyaient faire me disaient
« tu fais des choses bizarres ! ». Je fais beaucoup des
déplacements, notamment dans la famille de ma mère. Cela m’a aidait à faire des
rencontres, à côtoyer des gens différents, des comportements différents qui
m’ont conforté dans mon élan de me diriger vers l’art. Sans l’art, j’aurais pu
jamais montrer au monde ce qu’a été ma vie, mon passé. Voilà qui me fait dire
que j’ai du sang d’artiste qui est uni en moi. Personne d’autre dans ma famille
n’est artiste; mon père est businessman, mon grand père était dans l’armée, il
y’en a qui étaient chasseur du côté de ma mère. Ainsi quand j’ai grandi et que
devais me décider sur le choix de mes études, je me suis dis que l’Académie des
beaux-arts me convenait mieux. J’étais déjà artiste avant même d’intégrer
l’académie, mais celle-ci m’a appris à travailler dans les normes générales de
l’art. Le mélange de ce potentiel naturel et ces études ont fait de moi
l’artiste que je suis aujourd’hui avec plein de performances dans la vie.
Photo: Art Moustache |
Katanga
Cultura : Par quel art avez-vous commencé ?
Art
Moustache : J’ai commencé
comme peintre. A l’Académie des beaux arts et dans des ateliers, j’ai eu la
chance de partager avec les artiste venus des quatre coins du moins du monde. Mais c’est l’image qui me passionne depuis
toujours. Tous mes tableaux sont abstraits et l’art abstrait est codé, il
fallait mettre l’image à la base. On parle de trou de mémoire pour exprimer une
certaine perte de lien, de repères avec le passé. Et moi j’ai plutôt un trou de
photo, je n’ai de photo de mon enfance du coup ça m’a donné envie de perpétuer
les images...Chaque fois que j’étais en présence d’une image qui m’intéressait,
je la captais et la gardais. De là j’ai commencé à photographier mes collègues
à l’école. Peu à peu j’ai commencé à réaliser des images artistiques. Et sur ce
parcours de photographe, j’ai par la suite rencontré des photographes
professionnels qui m’ont formé et ont fait de moi un photographe professionnel.
Beaucoup me connaissaient en tant que peintre, et quand je me suis trouvé du
matériel, le monde m’a découvert aussi en tant photographe. Il y a beaucoup de
choses en moi et d’autres n’arrêtent pas de naître. Il suffit que je pense à une chose pour la
réaliser.
Katanga
Cultura : L’art, qu’est-il
au juste dans votre vie ?
Photo : Art Moustache |
Art
Moustache : L’art est comme une
fenêtre qui s’ouvre dans la vie de chacun d’entre nous. C’est une fenêtre qui a
plein de lumières, plein d’histoires à raconter. Pour moi l’art c’est
l’histoire de l’humanité, sans lui on ne connaîtrait pas ce qui a été avant. C’est
aussi la racine, la souche qui rappelle notre existence ; la fenêtre qui
s’est ouverte dans ma vie qui m’a apporté beaucoup d’opportunités, m’a fait
rencontrer beaucoup de personnalités. J’ai croisé des gens différents,
notamment avec la photographie. L’art c’est la porte qui s’ouvre et que l’on
laisse ouverte quand on la franchie pour sortir ; elle vous dit après vous
« il faut retourner d’où vous venez ». Il est aussi un miroir sur le
passé.
Katanga
Cultura : Il y a un
discours, presqu’une plainte, que j’ai entendu chez la plupart d’artistes locaux :
« l’art ne fait pas vivre son homme ! » Est-ce votre cas aussi ?
Art
Moustache : Comment l’art ne
fait pas vivre son homme ? Moi je suis artiste et je vis de l’art. Tous ce
que je suis aujourd’hui, ce que je me paie, mon gagne-pain,…c’est l’art. Sans
l’art moi je ne vis pas ! Je suis fier d’être artiste. J’aurais pas pu
gagner ce que j’ai aujourd’hui alors je ne peux pas dire que l’art ne fait pas
vivre son homme ! C’est même injuste de le dire. Quand beaucoup parlent
ainsi, je prends l’exemple des musiciens, quelqu’un qui peut être un pharmacien
quelque part et décide de s’orienter dans la musique, mais il se dit « je
ne sais pas si ça va payer ! » Il faut savoir aimer ce qu’on fait
dans la vie, le faire avec son cœur et croire en ça. Moi je ne travaille nulle
part ailleurs. Mon travail c’est la peinture, la photographie. Je travaille à
Lubumbashi depuis longtemps, on me connaît, on connaît Art Moustache, ma boîte.
C’est grâce à l’art.
Photo : Art Moustache |
Katanga
Cultura : Vous avez fait
des rencontres qui vous ont beaucoup apporté, avez-vous dit, est-ce que vous
prenez le temps de partager ce que vous avez appris autours de vous ?
Art
Moustache : Oui partager
c’est l’idéal ! Beaucoup de gens demandent à travailler avec moi et
d’apprendre. Je tiens un atelier depuis plus de cinq ou six ans où je partage
mon savoir avec les enfants. J’ai choisi d’apporter aux enfants ce que j’ai
manqué dans mon enfance. J’avais personne de qui je pouvais apprendre.
L’atelier en question s’appelle Art Moustache. J’évolue avec des enfants des
congolais et des expatriés. J’aime partager avec les enfants parce que ça
m’apprend beaucoup plus et ils s’adaptent facilement. Beaucoup aimeraient
travailler avec moi mais il me faut du temps pour m’occuper de moi-même. Je ne
suis pas encore arrivé au sommet de ma carrière ! Et j’ai beaucoup de mal
à me faire comprendre et certains vont jusqu’à l’interpréter comme un refus.
J’ai appris et je transmets. Le talent qu’on me reconnaît n’aurait pu jamais
être aussi intéressant si je n’ai appris des autres. Il y a des gens qui m’ont
appris avec leur cœur. Donc j’ai le devoir de partager !
Katanga
Cultura : Quel est le
prochain projet sur lequel vous prévoyez de travailler ?
Art
Moustache : Le prochain
projet est un grand projet sur lequel je mettrais tout mon art pour montrer au
monde qui est Art Moustache. C’est une exposition qui alliera à la fois performance,
photographie, peinture,…Tout ce je sais faire dans le domaine de l’art. Je
prends mon temps pour y travailler parallèlement aux autres activités
habituelles qui me permettent de payer mes loyers.
Art Moustache |
Katanga
Cultura : Tout en vous remerciant
de la gentillesse et de la disponibilité, veuillez dire votre mot de la fin.
Art
Moustache : Je vous remercie
beaucoup de cette opportunité de parole. C’est très encourageant de vous voir
le faire. Vous être si jeune ça n’arrive pas à tout le monde de s’occuper de ce
domaine. Aimez ce que vous faites ! Je donne ce conseil aussi à tous les
artistes qui sont jeunes comme moi. Je ne suis pas extraordinaire seulement
j’aime ce que je fais et je me concentre, voilà pourquoi ça marche. Il faut
croire et essayer de faire. N’attendez pas qu’on vienne vous aider, vous donner
des financements, faites avec ce que vous avez. L’Afrique a tout ! On peut
tout faire ici. Lubumbashi est une petite ville où on a des histoires à
raconter ; n’attendez pas du budget, des moyens. Utilisez votre tête et ça
va marcher. Je te remercie encore Fils
Ngeleka. Je m’attendais pas que quelqu’un viendrait m’interviewer. Ton blog
je l’ai toujours à l’œil et ça me fait plaisir parce que c’est quelque chose de
grand quoi !
Propos recueillis par Fils
Ngeleka
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